Do You Hear the People Sing? – Les Misérables




Montfermeil, 1823

Une poup&eacutee dans la vitrine

Cosette enfant:
C’est une poup&eacutee dans la vitrine
Qui me regarde et qui s’ennuie.
Je crois qu’elle se cherche une maman,
Et moi je veux qu’elle soit ma fille

Dans une maison pleine de jouets,
O&ugrave les petites filles de mon &acircge
Cousent les toilettes de leurs poup&eacutees
Et ne font jamais le m&eacutenage.

Je la v&ecirctirai de dentelles,
Elle aura des jupons de soie.
Je veux que ma fille soit la plus belle
Et qu’elle soit fi&egravere,
Qu’elle soit tr&egraves fi&egravere de moi.

C’est une poup&eacutee dans la vitrine;
Je la regarde et elle m’appelle.
Si seulement je savais &eacutecrire…
J’la demanderais au P&egravere No&eumll.

Les Th&eacutenardier, auxquels Fantine a confi&eacute la garde de sa fille, Cosette, traitent celle-ci comme leur servante et
madame Th&eacutenardier l’envoie, malgr&eacute ses r&eacutecriminations et sous l’oeil amus&eacute de sa propre file &Eacuteponine, remplir un
grand seau d’eau dans la for&ecirct en pleine nuit, alors que les premiers clients arrivent &agrave l’auberge pour la soir&eacutee.

Ma&icirctre Th&eacutenardier

Th&eacutenardier:
Entrez, monsieur,
Vous tombez pile:
J’sers le meilleur
Casse-graine de la ville.
Mes concurrents
Sont des fumistes
Ou des faisans
Qui arnaquent le touriste.
&Ccedila court pas les rues,
Les vrais, les balaises,
Qui sont fiers de servir
L’h&ocirctellerie fran&ccedilaise.

Ma&icirctre Th&eacutenardier
Pige en un clin d’oeil
Le genre du client
Et l’poids du portefeuille.
Je les d&eacuteboutonne
D’une histoire cochonne:
Plus ils se bidonnent
Et plus il biberonnent.
J’me rancarde sur leurs probl&egravemes,
C’est que dalle de faire semblant.
Mais on n’a rien pour peau de balle,
Et j’leur facture un suppl&eacutement.

Ma&icirctre du man&egravege,
Cocher du carosse,
Je leur chauffe la braise
Qui br&ucircle au fond d’leurs poches.
J’leur sers un junglard
Qui tape sur l’enclume
Et j’gaule leurs bibelots
Quand ils ont chaud aux plumes.
Pour la vie, on est comp&egraveres,
Fr&egraveres de lait, fr&egraveres de flacon;
Mais ils l’ont dans l’baigneur,
Seigneur! J’les entube jusqu’au trognon.

Clients:
Ma&icirctre Th&eacutenardier
Est un bon chr&eacutetien
Qui passe tout son temps
&Agrave servir son prochain.
Il cr&egraveche les manants,
Il l&egraveche les seigneurs,
R&eacuteconforte et philosophe
Avec son coeur.
Le compagnon de tout l’monde,
L’ami cher et attentif.

Th&eacutenardier:
Mais gare &agrave vos tiroirs ce soir,
Je vais vous &eacutecorcher vif!

Entrez, monsieur,
La route donne soif;
Ouvrez vos bottes,
Moi, j’ouvre un carafe.
Ce sac d’une tonne
Retarde votre course,
Moi je m’efforce
D’all&eacuteger votre bourse.
La dinde est bien cuite,
Le gras d&eacutegouline
Et j’ai l’carreau sur tout
C’qui sort d’ma cuisine.

Je sers tous les restes,
Le vieux fait du neuf:
Pass&eacutees au hachoir,
Mes bidoches sont “pur boeuf”.
Les rognons du chat,
La vessie d’g&eacutenisse,
Tout est bon, tout glisse
Fourr&eacute dans une saucisse.

On fait la pension compl&egravete,
Nos suites sont prises &agrave l’ann&eacutee,
&Agrave des prix raisonnables
Plus … les surprises et les p’tits &agrave-c&ocirct&eacutes.

Je facture les puces,
Les rats, les cafards.
Je compte de combien
Leur ombre use le miroir.
Avant leur d&eacutepart,
J’ajoute la valeur
Des mouches que leur clebs a gob&eacutees dans l’secteur.
On a tous nos petites ruses
Quand vient l’heure de l’addition.
Avec tout c’qu’ils sifflent,
Pendant qu’y s’empiffrent,
Les chiffres montent et montent jusqu’au plafond.

Clients:
Ma&icirctre Th&eacutenardier
Est un bon chr&eacutetien
Qui passe tout son temps
&Agrave servir son prochain.
Il cr&egraveche les manants,
Il l&egraveche les seigneurs,
R&eacuteconforte et philosophe
Avec son coeur.
Le compagnon de tout l’monde,
Le copain toujours pr&eacutesent.
Th&eacutenardier:
Ils sont si convaincus,
Ces cons, qu’y s’cassent en me remerciant.

Madame Th&eacutenardier:
Moi qui priais le ciel
Pour pas vieillir toute seule,
Y’a des soirs ou j’me dis
Qu’j’aurais mieux fait.. d’fermer ma gueule…

Ma&icirctre Th&eacutenardier
Valait pas qu’j’gaspille
Ma vertu et mes
Plus belles ann&eacutees d’jeune fille.
Il promet la lune
Mais comme tous les hommes,
Quand vient l’soir au lit
Ma fille y’a plus personne.
Y se prend pour Dieu le P&egravere,
Toujours bourr&eacute comme une oie;
J’vous jure que quand je vais m’le faire
Y va r’ssembler &agrave du foie gras.

Th&eacutenardier et clients:
Ma&icirctre Th&eacutenardier

Madame Th&eacutenardier:
Ma&icirctre feignardier

Th&eacutenardier et clients:
R&eacuteconforte et philosophe.

Madame Th&eacutenardier:
Y’a que moi qui bosse.

Th&eacutenardier et clients:
Ami sans malice,
Compagnon d’ivresse,

Madame Th&eacutenardier:
Hypocrite, menteur et mari de justesse.

Th&eacutenardier et clients:
&Agrave la sant&eacute d’l’aubergiste,
Buvons au cabaretier.

Th&eacutenardier:
Encore une petite timbale!

Madame Th&eacutenardier:
Qu’y s’la mette dans le trou d’balle!

Tous:
Buvons tous &agrave la sant&eacute de notre
Ma&icirctre Th&eacutenardier!

La transaction

Th&eacutenardier:
Oui, monsieur, bon monsieur,
Vous venez nous enlever Cosette;
Ce diamant, ce saphir
Qui &eacuteclaire nos vies de son sourire.
Ne parlons pas de dette,
Ne marchandons pas notre ch&egravere Cosette.
Pauvre Fantine, de l&agrave-haut
Tu sais qu’pour elle rien n’&eacutetait trop beau.
On a tout partag&eacute,
Tout comme si elle &eacutetait notre enfant,
Notre enfant, monsieur!

Valjean:
Vos bons sentiments vous honorent,
Je vais mettre du baume sur vos plaies.
Oui, cessons l&agrave ces marchandages
Qui nous font honte.
Voil&agrave, dites-moi, y-a-t-il le compte?

Madame Th&eacutenardier:
&Ccedila irait largement,
Si elle &eacutetait pas malade si souvent.
Les potions co&ucirctaient cher,
Sans compter l’angoisse, le d&eacutesespoir.
Mais monsieur, on l’adore:
Bon chr&eacutetien fait d’abord son devoir.

Monsieur et madame Th&eacutenardier:
Un d&eacutetail, un dernier:
Dans un monde plein de gens malhonn&ecirctes,
Qui nous dit, qui nous prouve
Que vous intentions sont bien correctes?

Valjean:
Prenez &ccedila pour l’service:
Quinze cent francs pour vos sacrifices.
Viens Cosette, dis adieu;
Ton enfance t’attend sous d’autres cieux.
Et vous deux, comptez bien,
&Ccedila vous f’ra vite passer votre chagrin.

Paris – 1832

Bonjour Paris

Mendiants:
Piti&eacute, piti&eacute,
Un sou, un bout de pain.
Piti&eacute, piti&eacute,
Pour tous ceux qui n’ont rien.
Piti&eacute, piti&eacute,
Un sous pour vous c’est peu.
Piti&eacute, piti&eacute,
Vous pr&ecirctez au bon Dieu!

Gavroche:
Bonjour Paris,
C’est moi Gavroche!
J’suis plus un mioche,
Qu’on se le dise.
J’vis dans la rue avec les cloches;
J’vais ni &agrave l’&eacutecole, ni &agrave l’&eacuteglise
J’ai pas de bl&eacute,
Mais j’me fais pas de bile:
Y’a de l’oseille dans tout Paris.
Ici, tu sais, chacun fait son persil;
Un jour on fauche,
L’autre on mendie.
On est libres, on d&eacutecide.
Suivez-moi,
Suivez l’guide!

Mendiants:
Piti&eacute, pitié
Un sou, un bout de pain.
Piti&eacute, piti&eacute,
Pour tous ceux qui n’ont rien.

Vieille mendiante:
O&ugrave est-ce que tu t’crois?
C’est chacune sa g&acircche.
Si tu es nouvelle, ici,
Y’a pas de place pour toi!

Jeune prostitu&eacutee:
&Eacutecoute, vielle sorci&egravere!
&Eacutecoute, vielle chouette!
Moi je donne au moins
Un peu d’plaisir &agrave qui m’ach&egravete.

Vieille mendiante:
C’que tu donnes surtout,
C’est la p’tite v&eacuterole,
Que tu colles de l’un &agrave l’autre,
Des gnasses que tu racoles.

Souteneur:
L&acircche cette vieille guenon!
L’a l’grelot qui grince!
Elle fait plus un rond
D’puis qu’elle a chop&eacute la chaude-pince.

Mendiants:
Quand est-ce qu’on croquera
Un bout du g&acircteau?
Faudra qu’y partagent un beau jour
Parce que trop c’est trop!
&Ccedila viendra, &ccedila viendra, &ccedila viendra,
&Ccedila viendra, &ccedila viendra, &ccedila viendra.

Enjolras:
Heureusement qu’chez les gens d’la haute,
Y en a un qui regarde en bas.

Marius:
Un seul, le g&eacuten&eacuteral Lamarque,
La voix de ceux qui n’en ont pas.

Mendiants:
Briffer nos moutards,
Cr&eacutecher sous un toit;
Et si Dieu le veut, enfin
Ne plus crever de froid.

Vagabond:
Par le nom du seigneur.

Mendiants:
En son nom,
En son nom,
En son nom.

Marius:
Lamarque s’&eacuteteint; il est malade;
Il n’en a plus pour tr&egraves longtemps.

Enjolras:
Avec l’&eacutemeute d&eacutej&agrave qui gronde,
Paris ressemble &agrave un volcan,
Pr&ecirct &agrave vomir la lave de sa col&egravere
Enfin r&eacutevolutionnaire.

Mendiants:
Piti&eacute, piti&eacute,
Un sou, un bout de pain.
Piti&eacute, piti&eacute,
Pour ceux qui n’ont plus rien.

Jean Valjean m&egravene une vie discr&egravete &agrave Paris en compagnie de Cosette. C’est alors qu’ils font la charit&eacute &agrave de faux
mendiants, qu’ils sont attaqu&eacutes par ces derniers, qui ne sont autres que les Th&eacutenardier, leur fille &Eacuteponine et une bande
de coupe – jarrets. Marius, un jeune &eacutetudiant r&eacutevolutionnaire, intervient et d&eacutecouvre Cosette, &eacutebloui. Javert,
maintenant promu &agrave Paris, arrive sur les lieux mais ne reconna&icirct pas Valjean qui a le temps de dispara&icirctre avec
Cosette avant que Th&eacutenardier ne le d&eacutenonce.

Sous les &eacutetoiles

Javert:
Noir, plus noir que la nuit,
Est cet homme qui s’enfuit
Sous les &eacutetoiles.
Sous les &eacutetoiles,
Dieu m’en soit t&eacutemoin:
Je n’faiblirai point
Tant qu’il ne sera pas
&Agrave genoux devant moi.
Il suit la voie du d&eacutemon
Et moi, au nom du Seigneur,
Je fais resplendir l’ordre en plein azur,
En pleine lumi&egravere.
Pour ceux qui sombrent
Avec Lucifer,
Les flammes, l’enfer.

Pures, dans leur multitude,
R&egravegnent les &eacutetoiles,
Soldats de l’ombre.
Post&eacutees dans l’espace,
Vous &ecirctes les sentinelles
Qui nous regardent
Et qui gardent le ciel,
Et qui gardent le ciel.
Chacune sa place dans la nuit,
Chacune sa course en silence,
Que rien ne peut faire d&eacutevier de son but,
De sa vigilance.
Pour qui se damne avec Lucifer,
Les flammes, l’enfer!

Ces mots sont inscrits
&Agrave l’encre &eacuteternelle
Sur les portes du paradis.
Et ceux qui s’&eacutegarent,
Ceux qui vacillent,
Paieront le prix.

&Ocirc Dieu de justice,
Montre-moi la voie;
Et pour ta gloire,
Je planterai moi-m&ecircme
Ton glaive, je le jure,
Je le jure aux &eacutetoiles.

Le groupe d’&eacutetudiants r&eacutevolutionnaires des amis de l’ABC, inspir&eacute et conduit par Enjolras, organise en secret la r&eacutevolte du peuple de Paris. Marius, amoureux fou de Cosette depuis leur rencontre accidentelle, presse &Eacuteponine de la retrouver pour lui, ignorant de l’amour que celle- ci lui porte en secret

Le Caf&eacute des amis de l’ABC

Combeferre:
Au pont au change,
Toutes les sections s’appr&ecirctent.

Feuilly:
On se rassemble &agrave la barri&egravere du Maine.

Courfeyrac:
Les sculpteurs, les marbriers
Br&ucirclent de marcher avec nous.
Et les ma&ccedilons de Montreuil
Seront tous au rendez-vous.

Enjolras:
Amis, c’est l’heure.
Si proche que c’est l’ennemi qui s’inqui&egravete.
Ne laissons pas
Le vin nous monter &agrave la t&ecircte.
C’est facile de tirer de l’estrade d’un caf&eacute,
Mais les gardes nationaux ont de vrais pistolets.
Il faut que la fournaise,
Qui chauffe dans les esprits,
Se r&eacutepande comme la poudre
Dans les rues de Paris.
Le peuple en armes,
La vague qui d&eacuteferle
Quand le progr&egraves n’a pas
De temps &agrave perdre.

Rouge, la flamme de la col&egravere

Enjolras:
Tu es en retard!

Joly:
Qu’est-ce qui t’arrive?
Marius, mais tu souris aux anges!

Grantaire:
Bois un coup
Et dis-nous c’qui va pas.

Marius:
Un ange peut-&ecirctre!
Un ange, dis-tu?
C’&eacutetait un ange, voil&agrave pourquoi,
Sa lumi&egravere porte mon &acircme aux nues.

Grantaire:
J’suis sur le cul de ma bouteille,
Marius a pris un coup d’soleil:
Il nous sort les violons, ouh la la!

Nous on se pr&eacutepare &agrave l’attaque
Et v’la Don Juan qui d&eacutebarque:
On est mieux ici qu’&agrave l’Op&eacutera.

Enjolras:
L’Op&eacutera est ferm&eacute,
Mais venues des t&eacuten&egravebres,
D’autres voix vont chanter
Le grand air d’un pays qui s’enfi&egravevre.
Celui qui n’est pas pr&ecirct
&Agrave payer de sa vie
Peut retourner se faire
Choyer dans sa famille.
Amis, l’heure a sonné
De reprendre la Bastille.

Rouge – la flamme de la col&egravere,
Noire – la nuit de l’ignorance,
Rouge – un monde en train de na&icirctre,
Noire – la mort de l’innocence.

Marius:
Ah! Si vous l’aviez vue,
Vous sauriez la douceur
D’&ecirctre atteint en plein coeur
Et sur l’heure de ch&eacuterir sa blessure.
Ah! Si vous l’aviez vue,
Quand elle m’a regard&eacute,
Vous sauriez que la braise
D’un &eacuteclair de passion
Peut enflammer le monde
Comme une r&eacutevolution.

Grantaire:
Rouge –

Marius:
une flamme br&ucircle en mon coeur,

Grantaire:
Noir –

Marius:
l’enfer d’une heure sans elle,

&Eacutetudiants:

Rouge –

Marius:
l’amour en train de na&icirctre,

&Eacutetudiants:

Noir –

Marius:
la mort d’une &eacutetincelle.

Enjolras:
Marius, descends de ton nuage,
Range ton cadeau tomb&eacute du ciel;
&Eacutecoute la voix qui nous appelle.
Fais patienter ton petit coeur;
C’est pour une grande cause qu’on se bat
Et nos petites vies ne comptent pas.

&Eacutetudiants:

Rouge – la flamme de la col&egravere!
Noire – la nuit de l’ignorance,
Rouge – un monde en train de na&icirctre,
Noire – la mort de l’esp&eacuterance.

&Agrave l’annonce de la mort du g&eacuten&eacuteral Lamarque, Enjolras d&eacutecide que l’heure est venue d’organiser le soul&egravevement du
peuple de Paris.

A La Volont&eacute Du Peuple

Enjolras:
&Agrave la volont&eacute du peuple
Et &agrave la sant&eacute du progr&egraves,
Remplis ton coeur d’un vin rebelle
Et &agrave demain, ami fid&egravele.
Si ton coeur bat aussi fort
Que le tambour dans le lointain,
C’est que l’espoir existe encore
Pour le genre humain.

Combeferre:
Nous ferons d’une barricade
Le symbole d’une &egravere qui commence.
Nous partons en croisade
Au coeur de la terre sainte de France.

Courfeyrac:
Nous sommes d&eacutesormais
Les guerriers d’une arm&eacutee qui s’avance.

Tous:
&Agrave la volont&eacute du peuple
Et &agrave la sant&eacute du progr&egraves,
Remplis ton coeur d’un vin rebelle
Et &agrave demain, ami fid&egravele.
Si ton coeur bat aussi fort
Que le tambour dans le lointain,
C’est que l’espoir existe encore
Pour le genre humain.

Feuilly:
&Agrave la volont&eacute du peuple,
Je fais don de ma volonté
S’il faut mourir pour elle,
Moi, je veux &ecirctre le premier:
Le premier nom gravé
Au marbre du monument d’espoir!

Tous:
&Agrave la volont&eacute du peuple
Et &agrave la sant&eacute du progr&egraves,
Remplis ton coeur d’un vin rebelle
Et &agrave demain, ami fid&egravele.
Si ton coeur bat aussi fort
Que le tambour dans le lointain,
C’est que l’espoir existe encore
Pour le genre humain.

Chez Jean Valjean

Rue Plumet: Dans Ma Vie

Cosette:
C’est dr&ocircle, ce doux frisson
Qui malgr&eacute moi m’agite!
Tu es folle! On ne tombe pas
Amoureuse aussi vite.
Qu’est-ce qui t’arrive, enfin, Cosette!
Ta solitude te joue des tours
Et tu vois des mirages
Qui ressemblent &agrave l’amour.

Dans ma vie,
Je ne manque de rien,
Mais il manque quelqu’un qui devine
Que soudain je n’suis plus
La p’tite fille qui r&ecircvait
Devant une poup&eacutee dans la vitrine.
Et j’attends
Tout d’un prince dont je ne sais rien;
Et je r&ecircve
De d&eacutecouvrir le monde en prenant sa main.

Est-ce qu’il sait que j’existe?
Est-ce qu’il m’a remarqu&eacutee?
Ou n’est-il qu’un doux songe
Et je vais m’&eacuteveiller.

Dans ma vie,
Je ne me sens plus seule;
J’ai enfin un secret
Et je prie
Pour qu’il vienne… dans ma vie

Valjean:
Ma Cosette,
Tu r&ecircves d’un autre monde,
O&ugrave t’entra&icircnent tes pens&eacutees vagabondes.
Tu dois faire souvent des r&ecircves de voyage,
Comme une colombe mise en cage.
Es-tu lass&eacutee d’avoir, ma fille,
Ton vieux p&egravere pour seule compagnie?

Cosette:
Je ne sais rien de moi,
De l’enfant que j’&eacutetais:
Je vous questionne parfois,
Vous n’en parlez jamais.
Je ne sais rien de vous,
Si peu de votre vie;
Mon p&egravere, n’avez-vous pas
Confiance en votre fille?
Si sombres en votre coeur,
Vos secrets me font peur!

Dans ma vie,
Je ne manque de rien;
Vous &ecirctes bon, vous &ecirctes tendre, vous m’aimez.
Mais papa, cher papa,
Dans vos yeux
Je suis toujours l’enfant perdue
Dans la for&ecirct.

Valjean:
Plus un mot;
Plus un mot,
C’est le pass&eacute qui est mort.
Aujourd’hui,
Ces mots-la font trop mal,
Ils crient trop fort.

Cosette:
Dans ma vie,
Je n’suis plus une enfant
Et j’attends le bonheur moi aussi,
Le bonheur… dans ma vie!

Valjean:
Le bonheur,
C’est un cadeau de Dieu
&Agrave chacun, &agrave son heure, &agrave son heure.

Marius:
Dans ma vie,
Je vois celle que Dieu prit,
Quand il a fait les anges, pour mod&egravele.
Elle est l&agrave, devant moi,
Ma princesse au jardin,
Une rose &agrave la main, irr&eacuteelle.
&Eacuteponine, tu es la f&eacutee
Qui nous r&eacuteunit;
Et je prie
Qu’un bonheur comme le mien
Advienne dans ta vie.
Le bon Dieu quelquefois
Est un grand magicien.

&Eacuteponine:
Chaque joie dans son coeur
Met une fl&egraveche dans le mien.
Dans ma vie,
Il n’y aura jamais
Personne d’autre que lui.
S’il voulait, je serais… toute &agrave lui.

Marius et &Eacuteponine:
Dans ma vie,
Il y a quelqu’un qui compte dans ma vie.
Marius:
L&agrave, enfin!

&Eacuteponine:
L&agrave, en vain!

Le Coeur Au Bonheur

Marius:
Le coeur au bonheur,
Le coeur aux chim&egraveres,
J’ai peur de la mettre en col&egravere.
Mon Dieu! Pardon!
Je ne sais m&ecircme pas votre nom,
Ch&egravere mademoiselle.
Je suis fou! Qu’elle est belle!

Cosette:
Le coeur au bonheur,
Dites-moi qui vous &ecirctes.

Marius:
Je m’appelle Marius Pontmercy.

Cosette:
Et moi, Cosette.

Marius:
Cosette, je ne trouve pas les mots;

Cosette:
Ne dites rien!

Marius:
Mon coeur tremble,

Cosette:
Comme le mien!

Marius:
Le coeur en extase,

Les deux:
L’espace d’une nuit,

Marius:
Fleur au jardin du paradis;
Cosette, Cosette!

Cosette:
&Ecirctes-vous le prince que j’attendais?

Marius:
C’est un r&ecircve?

Cosette:
Non, c’est vrai.


Marius:
Le coeur au bonheur,

Marius & Cosette:
Le coeur plein de toi,

Marius:
Je savais au premier regard,

Cosette:
Au premier soir,

Marius:
J’esp&eacuterais.

Cosette:
J’attendais.

Cosette et Marius:
Et c’est plus doux qu’un r&ecircve,
Plus qu’un r&ecircve,
Toi et moi.

 
&Eacuteponine:
Non, il n’&eacutetait pas pour moi,
Je n’ai rien &agrave regretter,
Il ne me dira jamais
Ces mots-l&agrave.
Pas &agrave moi,
Pas a moi.
Son coeur
Au bonheur,
Qui ne battra pas,
Pas pour moi.

Le casse de la rue Plumet

Montparnasse:
V’l&agrave son terrier,

Claquesous:
Il est discret en affaires;

Babet:
Le vieux renard sort jamais
Depuis qu’il a r’vu Javert.

Th&eacutenardier:
Je flaire la galette.

Ya d’&ccedila dix berges,
Y nous a rafl&eacute Cosette
Pour quelques thunes, pour des miettes.
Cette fois, j’viens r’faire cueillette,
Mais pas pour des prunes!

Brujon:
Nous on s’en cogne
De tes combines;
Je veux ma part
Et j’me d&eacutebine.

Th&eacutenardier:
Ben, ferme ta poire,
File-moi ta pogne.

Brujon:
Qu’est-ce que c’est qu’&ccedila?

Th&eacutenardier:
Qui est cette dr&ocirclesse?

Babet:
C’est ta fille &Eacuteponine;
Tu r’connais pas ta gosse
Qui tra&icircne ses fesses apr&egraves toi.

Th&eacutenardier:
&Eacuteponine, rentre chez nous;
Y’a pas b’soin d’une greluche,
Faut qu’des gars pour c’turbin l&agrave.

&Eacuteponine:
J’connais cette taule.
Ici, y’a pas d’affure pour vous,
Juste le vieux schnock et la m&ocircme,
Pas d’oseille et pas d’cailloux.

Th&eacutenardier:
De quoi j’me m&ecircle?
De quoi tu causes?
D&eacutetale fillette
Ou j’t’allonge une torgnole!

Brujon:
Elle flanche, la caille!

Babet:
Sont toutes les m&ecircmes!

Montparnasse:
D&eacutegage Ponine
Ou j’te mets le blair de traviole!

&Eacuteponine:
Je vais crier,
J’vais les pr&eacutev’nir, j’vous jure!

Th&eacutenardier:
Un petit cri, Ponine et tu vas t’en souv’nir.

Claquesous:
Je me r&eacutegale.
Ah! Quel d&eacutelice quand on bosse,
De voir une chienne et son dabe
Se disputer le m&ecircme os.

Brujon:
L’ouvre pas ou j’tabasse!

&Eacuteponine:
J’ai dit qu’je vais crier;
Pour s&ucircr, je vais crier.

Th&eacutenardier:
Attends ma fille, attends qu’j’te coince!
Tu vas brailler, jusqu’&agrave qu’&ccedila grince.
Vite, on s’enterre! Vite grouillez-vous!
Laissez-la moi; tous aux &eacutegouts!

Marius:
Merci Ponine, ils ont eu peur!
Tu m’as sauv&eacute! Une fois de plus.
Ma ch&egravere Cosette, c’est &Eacuteponine,
L’amie fid&egravele qui t’a trouv&eacutee.
Quelqu’un arrive, je disparais,
Quelqu’un arrive!

C’est Valjean qui arrive dans le jardin; Cosette lui ment pour la premi&egravere fois en omettant de mentionner la pr&eacutesence de Marius &agrave ses c&ocirct&eacutes. Pendant l’attaque de la bande des Th&eacutenardier, Valjean pense que Javert a retrouv&eacute sa trace et il
d&eacutecide de quitter la France avec Cosette afin de la prot&eacuteger. Dans diff&eacuterents secteurs de Paris, Cosette, Marius,
&Eacuteponine, Javert, les Th&eacutenardier et les &eacutetudiants attendent chacun du lendemain qu’il soit leur grand jour.

Le grand jour

Valjean:
Le grand jour,
Une autre vie, une autre destin&eacutee,
D&eacutelivr&eacutes d’avoir &agrave fuir &agrave perp&eacutetuit&eacute.
Mais au jour du jugement ultime,
Chaque homme doit r&eacutev&eacuteler ses crimes
Au grand jour.

Marius:
Demain, je ne la verrai plus,
Mon sang se glace dans mes veines.

Valjean:
Le grand jour,

Marius et Cosette:
Demain je ne te verrai plus,
C’est comme le foudre que l’on m’ass&egravene.

&Eacuteponine:

Demain seule dans mon histoire,

Marius et Cosette:
Vais-je te perdre &agrave tout jamais?

&Eacuteponine:

Un grand jour perdu sans le voir.

Marius et Cosette:
Quand ma vie commence &agrave peine.

&Eacuteponine:

Un peu plus seule chaque soir,

Marius et Cosette:
Et je jure d’&ecirctre fid&egravele.

&Eacuteponine:

Je l’&eacutevoque dans ma m&eacutemoire.

Enjolras:
Le grand jour est pour demain,

Marius:
Dois-je aller l&agrave o&ugrave elle va?

Enjolras:
Demain sur la barricade.

Marius:
Ou suivre mes fr&egraveres au combat?

Enjolras:
Le grand jour se l&egraveve enfin

Marius:
Comment faire? Ai-je bien le droit?

Enjolras:
Et les droits de l’homme s’&eacutecrivent.

Tous:
Amis, c’est l’heure, Demain arrive.

Valjean:
Le grand jour.

Javert:
Leur &eacutemeute en culottes courtes,
Je la suivrai dans leurs rangs;
J’les pousserai sans qu’ils s’en doutent
&Agrave s’&eacuteclabousser… de leur sang.

Valjean:
Le grand jour,

Th&eacutenardier:
Y vont au casse-pipe,
On attend qu’ca fume;
Quand y z’ont du plomb
Dans l’aile, nous on les plume:
Un bijou ici,
Un p’tit sou en face.
Y a plus qu’&agrave attendre
L’ouverture de la chasse.

&Eacutetudiants:
Le grand jour patriotique,
Le progr&egraves reprend sa marche;
Combattant de l’avenir,
Ressurgi de son linceul
Par l’esp&eacuterance magnifique
D’un nouveau monde &agrave construire.
&Agrave la volont&eacute du peuple.

Marius:
Ma place est l&agrave,
Aupr&egraves de vous.

Valjean:
Le grand jour.


Marius et Cosette:
Demain je ne te verrai plus,
&Eacuteponine: Demain seule dans mon histoire,
Marius et Cosette:
Mon sang se glace dans mes veines.
  Javert:
Avec les h&eacuteros du peuple,
Avec ces nouveaux strat&egraveges;
Instruit de leurs petits secrets,
Je refermerai le pi&egravege.
  Th&eacutenardier:
Y vont au casse-pipe,
On attend qu’&ccedila fume;
Apr&egraves qu’y s’&eacutetripent
On leur &ocircte les plumes.

Valjean:
Le grand jour

Marius et Cosette:
Demain je ne te verrai plus,
&Eacuteponine:
Demain tout seule dans le noir.
Marius et Cosette:
C’est comme la foudre que l’on m’ass&egravene.
 
Javert:
Leur &eacutemeute en culottes courtes,
Je la suivrai dans leurs rangs;
J’les touss’rai sans qu’ils s’en doutent…
Demain c’est le jugement dernier.
  Th&eacutenardier:
Y vont au casse-pipe,
On attend qu’&ccedila fume;
Quand y z’ont du plomb
Dans l’aile, nous on les plume.

Valjean:
Demain, nous partons sans regret;
Demain c’est le jugement dernier.

Tous:
Demain, nous saurons si Dieu vient
Annoncer enfin son retour.
C’est enfin,
C’est demain le grand jour!

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