
Montfermeil, 1823
Une poupée dans la vitrine
Cosette enfant:
C’est une poupée dans la vitrine
Qui me regarde et qui s’ennuie.
Je crois qu’elle se cherche une maman,
Et moi je veux qu’elle soit ma fille
Dans une maison pleine de jouets,
Où les petites filles de mon âge
Cousent les toilettes de leurs poupées
Et ne font jamais le ménage.
Je la vêtirai de dentelles,
Elle aura des jupons de soie.
Je veux que ma fille soit la plus belle
Et qu’elle soit fière,
Qu’elle soit très fière de moi.
C’est une poupée dans la vitrine;
Je la regarde et elle m’appelle.
Si seulement je savais écrire…
J’la demanderais au Père Noël.
Les Thénardier, auxquels Fantine a confié la garde de sa fille, Cosette, traitent celle-ci comme leur servante et
madame Thénardier l’envoie, malgré ses récriminations et sous l’oeil amusé de sa propre file Éponine, remplir un
grand seau d’eau dans la forêt en pleine nuit, alors que les premiers clients arrivent à l’auberge pour la soirée.
Maître Thénardier
Thénardier:
Entrez, monsieur,
Vous tombez pile:
J’sers le meilleur
Casse-graine de la ville.
Mes concurrents
Sont des fumistes
Ou des faisans
Qui arnaquent le touriste.
Ça court pas les rues,
Les vrais, les balaises,
Qui sont fiers de servir
L’hôtellerie française.
Maître Thénardier
Pige en un clin d’oeil
Le genre du client
Et l’poids du portefeuille.
Je les déboutonne
D’une histoire cochonne:
Plus ils se bidonnent
Et plus il biberonnent.
J’me rancarde sur leurs problèmes,
C’est que dalle de faire semblant.
Mais on n’a rien pour peau de balle,
Et j’leur facture un supplément.
Maître du manège,
Cocher du carosse,
Je leur chauffe la braise
Qui brûle au fond d’leurs poches.
J’leur sers un junglard
Qui tape sur l’enclume
Et j’gaule leurs bibelots
Quand ils ont chaud aux plumes.
Pour la vie, on est compères,
Frères de lait, frères de flacon;
Mais ils l’ont dans l’baigneur,
Seigneur! J’les entube jusqu’au trognon.
Clients:
Maître Thénardier
Est un bon chrétien
Qui passe tout son temps
À servir son prochain.
Il crèche les manants,
Il lèche les seigneurs,
Réconforte et philosophe
Avec son coeur.
Le compagnon de tout l’monde,
L’ami cher et attentif.
Thénardier:
Mais gare à vos tiroirs ce soir,
Je vais vous écorcher vif!
Entrez, monsieur,
La route donne soif;
Ouvrez vos bottes,
Moi, j’ouvre un carafe.
Ce sac d’une tonne
Retarde votre course,
Moi je m’efforce
D’alléger votre bourse.
La dinde est bien cuite,
Le gras dégouline
Et j’ai l’carreau sur tout
C’qui sort d’ma cuisine.
Je sers tous les restes,
Le vieux fait du neuf:
Passées au hachoir,
Mes bidoches sont “pur boeuf”.
Les rognons du chat,
La vessie d’génisse,
Tout est bon, tout glisse
Fourré dans une saucisse.
On fait la pension complète,
Nos suites sont prises à l’année,
À des prix raisonnables
Plus … les surprises et les p’tits à-côtés.
Je facture les puces,
Les rats, les cafards.
Je compte de combien
Leur ombre use le miroir.
Avant leur départ,
J’ajoute la valeur
Des mouches que leur clebs a gobées dans l’secteur.
On a tous nos petites ruses
Quand vient l’heure de l’addition.
Avec tout c’qu’ils sifflent,
Pendant qu’y s’empiffrent,
Les chiffres montent et montent jusqu’au plafond.
Clients:
Maître Thénardier
Est un bon chrétien
Qui passe tout son temps
À servir son prochain.
Il crèche les manants,
Il lèche les seigneurs,
Réconforte et philosophe
Avec son coeur.
Le compagnon de tout l’monde,
Le copain toujours présent.
Thénardier:
Ils sont si convaincus,
Ces cons, qu’y s’cassent en me remerciant.
Madame Thénardier:
Moi qui priais le ciel
Pour pas vieillir toute seule,
Y’a des soirs ou j’me dis
Qu’j’aurais mieux fait.. d’fermer ma gueule…
Maître Thénardier
Valait pas qu’j’gaspille
Ma vertu et mes
Plus belles années d’jeune fille.
Il promet la lune
Mais comme tous les hommes,
Quand vient l’soir au lit
Ma fille y’a plus personne.
Y se prend pour Dieu le Père,
Toujours bourré comme une oie;
J’vous jure que quand je vais m’le faire
Y va r’ssembler à du foie gras.
Thénardier et clients:
Maître Thénardier
Madame Thénardier:
Maître feignardier
Thénardier et clients:
Réconforte et philosophe.
Madame Thénardier:
Y’a que moi qui bosse.
Thénardier et clients:
Ami sans malice,
Compagnon d’ivresse,
Madame Thénardier:
Hypocrite, menteur et mari de justesse.
Thénardier et clients:
À la santé d’l’aubergiste,
Buvons au cabaretier.
Thénardier:
Encore une petite timbale!
Madame Thénardier:
Qu’y s’la mette dans le trou d’balle!
Tous:
Buvons tous à la santé de notre
Maître Thénardier!
La transaction
Thénardier:
Oui, monsieur, bon monsieur,
Vous venez nous enlever Cosette;
Ce diamant, ce saphir
Qui éclaire nos vies de son sourire.
Ne parlons pas de dette,
Ne marchandons pas notre chère Cosette.
Pauvre Fantine, de là-haut
Tu sais qu’pour elle rien n’était trop beau.
On a tout partagé,
Tout comme si elle était notre enfant,
Notre enfant, monsieur!
Valjean:
Vos bons sentiments vous honorent,
Je vais mettre du baume sur vos plaies.
Oui, cessons là ces marchandages
Qui nous font honte.
Voilà, dites-moi, y-a-t-il le compte?
Madame Thénardier:
Ça irait largement,
Si elle était pas malade si souvent.
Les potions coûtaient cher,
Sans compter l’angoisse, le désespoir.
Mais monsieur, on l’adore:
Bon chrétien fait d’abord son devoir.
Monsieur et madame Thénardier:
Un détail, un dernier:
Dans un monde plein de gens malhonnêtes,
Qui nous dit, qui nous prouve
Que vous intentions sont bien correctes?
Valjean:
Prenez ça pour l’service:
Quinze cent francs pour vos sacrifices.
Viens Cosette, dis adieu;
Ton enfance t’attend sous d’autres cieux.
Et vous deux, comptez bien,
Ça vous f’ra vite passer votre chagrin.
Paris – 1832
Bonjour Paris
Mendiants:
Pitié, pitié,
Un sou, un bout de pain.
Pitié, pitié,
Pour tous ceux qui n’ont rien.
Pitié, pitié,
Un sous pour vous c’est peu.
Pitié, pitié,
Vous prêtez au bon Dieu!
Gavroche:
Bonjour Paris,
C’est moi Gavroche!
J’suis plus un mioche,
Qu’on se le dise.
J’vis dans la rue avec les cloches;
J’vais ni à l’école, ni à l’église
J’ai pas de blé,
Mais j’me fais pas de bile:
Y’a de l’oseille dans tout Paris.
Ici, tu sais, chacun fait son persil;
Un jour on fauche,
L’autre on mendie.
On est libres, on décide.
Suivez-moi,
Suivez l’guide!
Mendiants:
Pitié, pitié
Un sou, un bout de pain.
Pitié, pitié,
Pour tous ceux qui n’ont rien.
Vieille mendiante:
Où est-ce que tu t’crois?
C’est chacune sa gâche.
Si tu es nouvelle, ici,
Y’a pas de place pour toi!
Jeune prostituée:
Écoute, vielle sorcière!
Écoute, vielle chouette!
Moi je donne au moins
Un peu d’plaisir à qui m’achète.
Vieille mendiante:
C’que tu donnes surtout,
C’est la p’tite vérole,
Que tu colles de l’un à l’autre,
Des gnasses que tu racoles.
Souteneur:
Lâche cette vieille guenon!
L’a l’grelot qui grince!
Elle fait plus un rond
D’puis qu’elle a chopé la chaude-pince.
Mendiants:
Quand est-ce qu’on croquera
Un bout du gâteau?
Faudra qu’y partagent un beau jour
Parce que trop c’est trop!
Ça viendra, ça viendra, ça viendra,
Ça viendra, ça viendra, ça viendra.
Enjolras:
Heureusement qu’chez les gens d’la haute,
Y en a un qui regarde en bas.
Marius:
Un seul, le général Lamarque,
La voix de ceux qui n’en ont pas.
Mendiants:
Briffer nos moutards,
Crécher sous un toit;
Et si Dieu le veut, enfin
Ne plus crever de froid.
Vagabond:
Par le nom du seigneur.
Mendiants:
En son nom,
En son nom,
En son nom.
Marius:
Lamarque s’éteint; il est malade;
Il n’en a plus pour très longtemps.
Enjolras:
Avec l’émeute déjà qui gronde,
Paris ressemble à un volcan,
Prêt à vomir la lave de sa colère
Enfin révolutionnaire.
Mendiants:
Pitié, pitié,
Un sou, un bout de pain.
Pitié, pitié,
Pour ceux qui n’ont plus rien.
Jean Valjean mène une vie discrète à Paris en compagnie de Cosette. C’est alors qu’ils font la charité à de faux
mendiants, qu’ils sont attaqués par ces derniers, qui ne sont autres que les Thénardier, leur fille Éponine et une bande
de coupe – jarrets. Marius, un jeune étudiant révolutionnaire, intervient et découvre Cosette, ébloui. Javert,
maintenant promu à Paris, arrive sur les lieux mais ne reconnaît pas Valjean qui a le temps de disparaître avec
Cosette avant que Thénardier ne le dénonce.
Sous les étoiles
Javert:
Noir, plus noir que la nuit,
Est cet homme qui s’enfuit
Sous les étoiles.
Sous les étoiles,
Dieu m’en soit témoin:
Je n’faiblirai point
Tant qu’il ne sera pas
À genoux devant moi.
Il suit la voie du démon
Et moi, au nom du Seigneur,
Je fais resplendir l’ordre en plein azur,
En pleine lumière.
Pour ceux qui sombrent
Avec Lucifer,
Les flammes, l’enfer.
Pures, dans leur multitude,
Règnent les étoiles,
Soldats de l’ombre.
Postées dans l’espace,
Vous êtes les sentinelles
Qui nous regardent
Et qui gardent le ciel,
Et qui gardent le ciel.
Chacune sa place dans la nuit,
Chacune sa course en silence,
Que rien ne peut faire dévier de son but,
De sa vigilance.
Pour qui se damne avec Lucifer,
Les flammes, l’enfer!
Ces mots sont inscrits
À l’encre éternelle
Sur les portes du paradis.
Et ceux qui s’égarent,
Ceux qui vacillent,
Paieront le prix.
Ô Dieu de justice,
Montre-moi la voie;
Et pour ta gloire,
Je planterai moi-même
Ton glaive, je le jure,
Je le jure aux étoiles.
Le groupe d’étudiants révolutionnaires des amis de l’ABC, inspiré et conduit par Enjolras, organise en secret la révolte du peuple de Paris. Marius, amoureux fou de Cosette depuis leur rencontre accidentelle, presse Éponine de la retrouver pour lui, ignorant de l’amour que celle- ci lui porte en secret
Le Café des amis de l’ABC
Combeferre:
Au pont au change,
Toutes les sections s’apprêtent.
Feuilly:
On se rassemble à la barrière du Maine.
Courfeyrac:
Les sculpteurs, les marbriers
Brûlent de marcher avec nous.
Et les maçons de Montreuil
Seront tous au rendez-vous.
Enjolras:
Amis, c’est l’heure.
Si proche que c’est l’ennemi qui s’inquiète.
Ne laissons pas
Le vin nous monter à la tête.
C’est facile de tirer de l’estrade d’un café,
Mais les gardes nationaux ont de vrais pistolets.
Il faut que la fournaise,
Qui chauffe dans les esprits,
Se répande comme la poudre
Dans les rues de Paris.
Le peuple en armes,
La vague qui déferle
Quand le progrès n’a pas
De temps à perdre.
Rouge, la flamme de la colère
Enjolras:
Tu es en retard!
Joly:
Qu’est-ce qui t’arrive?
Marius, mais tu souris aux anges!
Grantaire:
Bois un coup
Et dis-nous c’qui va pas.
Marius:
Un ange peut-être!
Un ange, dis-tu?
C’était un ange, voilà pourquoi,
Sa lumière porte mon âme aux nues.
Grantaire:
J’suis sur le cul de ma bouteille,
Marius a pris un coup d’soleil:
Il nous sort les violons, ouh la la!
Nous on se prépare à l’attaque
Et v’la Don Juan qui débarque:
On est mieux ici qu’à l’Opéra.
Enjolras:
L’Opéra est fermé,
Mais venues des ténèbres,
D’autres voix vont chanter
Le grand air d’un pays qui s’enfièvre.
Celui qui n’est pas prêt
À payer de sa vie
Peut retourner se faire
Choyer dans sa famille.
Amis, l’heure a sonné
De reprendre la Bastille.
Rouge – la flamme de la colère,
Noire – la nuit de l’ignorance,
Rouge – un monde en train de naître,
Noire – la mort de l’innocence.
Marius:
Ah! Si vous l’aviez vue,
Vous sauriez la douceur
D’être atteint en plein coeur
Et sur l’heure de chérir sa blessure.
Ah! Si vous l’aviez vue,
Quand elle m’a regardé,
Vous sauriez que la braise
D’un éclair de passion
Peut enflammer le monde
Comme une révolution.
Grantaire:
Rouge –
Marius:
une flamme brûle en mon coeur,
Grantaire:
Noir –
Marius:
l’enfer d’une heure sans elle,
Étudiants:
Rouge –
Marius:
l’amour en train de naître,
Étudiants:
Noir –
Marius:
la mort d’une étincelle.
Enjolras:
Marius, descends de ton nuage,
Range ton cadeau tombé du ciel;
Écoute la voix qui nous appelle.
Fais patienter ton petit coeur;
C’est pour une grande cause qu’on se bat
Et nos petites vies ne comptent pas.
Étudiants:
Rouge – la flamme de la colère!
Noire – la nuit de l’ignorance,
Rouge – un monde en train de naître,
Noire – la mort de l’espérance.
À l’annonce de la mort du général Lamarque, Enjolras décide que l’heure est venue d’organiser le soulèvement du
peuple de Paris.
A La Volonté Du Peuple
Enjolras:
À la volonté du peuple
Et à la santé du progrès,
Remplis ton coeur d’un vin rebelle
Et à demain, ami fidèle.
Si ton coeur bat aussi fort
Que le tambour dans le lointain,
C’est que l’espoir existe encore
Pour le genre humain.
Combeferre:
Nous ferons d’une barricade
Le symbole d’une ère qui commence.
Nous partons en croisade
Au coeur de la terre sainte de France.
Courfeyrac:
Nous sommes désormais
Les guerriers d’une armée qui s’avance.
Tous:
À la volonté du peuple
Et à la santé du progrès,
Remplis ton coeur d’un vin rebelle
Et à demain, ami fidèle.
Si ton coeur bat aussi fort
Que le tambour dans le lointain,
C’est que l’espoir existe encore
Pour le genre humain.
Feuilly:
À la volonté du peuple,
Je fais don de ma volonté
S’il faut mourir pour elle,
Moi, je veux être le premier:
Le premier nom gravé
Au marbre du monument d’espoir!
Tous:
À la volonté du peuple
Et à la santé du progrès,
Remplis ton coeur d’un vin rebelle
Et à demain, ami fidèle.
Si ton coeur bat aussi fort
Que le tambour dans le lointain,
C’est que l’espoir existe encore
Pour le genre humain.
Chez Jean Valjean
Rue Plumet: Dans Ma Vie
Cosette:
C’est drôle, ce doux frisson
Qui malgré moi m’agite!
Tu es folle! On ne tombe pas
Amoureuse aussi vite.
Qu’est-ce qui t’arrive, enfin, Cosette!
Ta solitude te joue des tours
Et tu vois des mirages
Qui ressemblent à l’amour.
Dans ma vie,
Je ne manque de rien,
Mais il manque quelqu’un qui devine
Que soudain je n’suis plus
La p’tite fille qui rêvait
Devant une poupée dans la vitrine.
Et j’attends
Tout d’un prince dont je ne sais rien;
Et je rêve
De découvrir le monde en prenant sa main.
Est-ce qu’il sait que j’existe?
Est-ce qu’il m’a remarquée?
Ou n’est-il qu’un doux songe
Et je vais m’éveiller.
Dans ma vie,
Je ne me sens plus seule;
J’ai enfin un secret
Et je prie
Pour qu’il vienne… dans ma vie
Valjean:
Ma Cosette,
Tu rêves d’un autre monde,
Où t’entraînent tes pensées vagabondes.
Tu dois faire souvent des rêves de voyage,
Comme une colombe mise en cage.
Es-tu lassée d’avoir, ma fille,
Ton vieux père pour seule compagnie?
Cosette:
Je ne sais rien de moi,
De l’enfant que j’étais:
Je vous questionne parfois,
Vous n’en parlez jamais.
Je ne sais rien de vous,
Si peu de votre vie;
Mon père, n’avez-vous pas
Confiance en votre fille?
Si sombres en votre coeur,
Vos secrets me font peur!
Dans ma vie,
Je ne manque de rien;
Vous êtes bon, vous êtes tendre, vous m’aimez.
Mais papa, cher papa,
Dans vos yeux
Je suis toujours l’enfant perdue
Dans la forêt.
Valjean:
Plus un mot;
Plus un mot,
C’est le passé qui est mort.
Aujourd’hui,
Ces mots-la font trop mal,
Ils crient trop fort.
Cosette:
Dans ma vie,
Je n’suis plus une enfant
Et j’attends le bonheur moi aussi,
Le bonheur… dans ma vie!
Valjean:
Le bonheur,
C’est un cadeau de Dieu
À chacun, à son heure, à son heure.
Marius:
Dans ma vie,
Je vois celle que Dieu prit,
Quand il a fait les anges, pour modèle.
Elle est là, devant moi,
Ma princesse au jardin,
Une rose à la main, irréelle.
Éponine, tu es la fée
Qui nous réunit;
Et je prie
Qu’un bonheur comme le mien
Advienne dans ta vie.
Le bon Dieu quelquefois
Est un grand magicien.
Éponine:
Chaque joie dans son coeur
Met une flèche dans le mien.
Dans ma vie,
Il n’y aura jamais
Personne d’autre que lui.
S’il voulait, je serais… toute à lui.
Marius et Éponine:
Dans ma vie,
Il y a quelqu’un qui compte dans ma vie.
Marius:
Là, enfin!
Éponine:
Là, en vain!
Le Coeur Au Bonheur
Marius:
Le coeur au bonheur,
Le coeur aux chimères,
J’ai peur de la mettre en colère.
Mon Dieu! Pardon!
Je ne sais même pas votre nom,
Chère mademoiselle.
Je suis fou! Qu’elle est belle!
Cosette:
Le coeur au bonheur,
Dites-moi qui vous êtes.
Marius:
Je m’appelle Marius Pontmercy.
Cosette:
Et moi, Cosette.
Marius:
Cosette, je ne trouve pas les mots;
Cosette:
Ne dites rien!
Marius:
Mon coeur tremble,
Cosette:
Comme le mien!
Marius:
Le coeur en extase,
Les deux:
L’espace d’une nuit,
Marius:
Fleur au jardin du paradis;
Cosette, Cosette!
Cosette:
Êtes-vous le prince que j’attendais?
Marius:
C’est un rêve?
Cosette:
Non, c’est vrai.
Marius: Le coeur au bonheur,
Marius & Cosette:
Marius:
Cosette:
Marius:
Cosette:
Cosette et Marius: |
Éponine: Non, il n’était pas pour moi, Je n’ai rien à regretter, Il ne me dira jamais Ces mots-là. Pas à moi, Pas a moi. Son coeur Au bonheur, Qui ne battra pas, Pas pour moi. |
Le casse de la rue Plumet
Montparnasse:
V’là son terrier,
Claquesous:
Il est discret en affaires;
Babet:
Le vieux renard sort jamais
Depuis qu’il a r’vu Javert.
Thénardier:
Je flaire la galette.
Ya d’ça dix berges,
Y nous a raflé Cosette
Pour quelques thunes, pour des miettes.
Cette fois, j’viens r’faire cueillette,
Mais pas pour des prunes!
Brujon:
Nous on s’en cogne
De tes combines;
Je veux ma part
Et j’me débine.
Thénardier:
Ben, ferme ta poire,
File-moi ta pogne.
Brujon:
Qu’est-ce que c’est qu’ça?
Thénardier:
Qui est cette drôlesse?
Babet:
C’est ta fille Éponine;
Tu r’connais pas ta gosse
Qui traîne ses fesses après toi.
Thénardier:
Éponine, rentre chez nous;
Y’a pas b’soin d’une greluche,
Faut qu’des gars pour c’turbin là.
Éponine:
J’connais cette taule.
Ici, y’a pas d’affure pour vous,
Juste le vieux schnock et la môme,
Pas d’oseille et pas d’cailloux.
Thénardier:
De quoi j’me mêle?
De quoi tu causes?
Détale fillette
Ou j’t’allonge une torgnole!
Brujon:
Elle flanche, la caille!
Babet:
Sont toutes les mêmes!
Montparnasse:
Dégage Ponine
Ou j’te mets le blair de traviole!
Éponine:
Je vais crier,
J’vais les prév’nir, j’vous jure!
Thénardier:
Un petit cri, Ponine et tu vas t’en souv’nir.
Claquesous:
Je me régale.
Ah! Quel délice quand on bosse,
De voir une chienne et son dabe
Se disputer le même os.
Brujon:
L’ouvre pas ou j’tabasse!
Éponine:
J’ai dit qu’je vais crier;
Pour sûr, je vais crier.
Thénardier:
Attends ma fille, attends qu’j’te coince!
Tu vas brailler, jusqu’à qu’ça grince.
Vite, on s’enterre! Vite grouillez-vous!
Laissez-la moi; tous aux égouts!
Marius:
Merci Ponine, ils ont eu peur!
Tu m’as sauvé! Une fois de plus.
Ma chère Cosette, c’est Éponine,
L’amie fidèle qui t’a trouvée.
Quelqu’un arrive, je disparais,
Quelqu’un arrive!
C’est Valjean qui arrive dans le jardin; Cosette lui ment pour la première fois en omettant de mentionner la présence de Marius à ses côtés. Pendant l’attaque de la bande des Thénardier, Valjean pense que Javert a retrouvé sa trace et il
décide de quitter la France avec Cosette afin de la protéger. Dans différents secteurs de Paris, Cosette, Marius,
Éponine, Javert, les Thénardier et les étudiants attendent chacun du lendemain qu’il soit leur grand jour.
Le grand jour
Valjean:
Le grand jour,
Une autre vie, une autre destinée,
Délivrés d’avoir à fuir à perpétuité.
Mais au jour du jugement ultime,
Chaque homme doit révéler ses crimes
Au grand jour.
Marius:
Demain, je ne la verrai plus,
Mon sang se glace dans mes veines.
Valjean:
Le grand jour,
Marius et Cosette:
Demain je ne te verrai plus,
C’est comme le foudre que l’on m’assène.
Éponine:
Demain seule dans mon histoire,
Marius et Cosette:
Vais-je te perdre à tout jamais?
Éponine:
Un grand jour perdu sans le voir.
Marius et Cosette:
Quand ma vie commence à peine.
Éponine:
Un peu plus seule chaque soir,
Marius et Cosette:
Et je jure d’être fidèle.
Éponine:
Je l’évoque dans ma mémoire.
Enjolras:
Le grand jour est pour demain,
Marius:
Dois-je aller là où elle va?
Enjolras:
Demain sur la barricade.
Marius:
Ou suivre mes frères au combat?
Enjolras:
Le grand jour se lève enfin
Marius:
Comment faire? Ai-je bien le droit?
Enjolras:
Et les droits de l’homme s’écrivent.
Tous:
Amis, c’est l’heure, Demain arrive.
Valjean:
Le grand jour.
Javert:
Leur émeute en culottes courtes,
Je la suivrai dans leurs rangs;
J’les pousserai sans qu’ils s’en doutent
À s’éclabousser… de leur sang.
Valjean:
Le grand jour,
Thénardier:
Y vont au casse-pipe,
On attend qu’ca fume;
Quand y z’ont du plomb
Dans l’aile, nous on les plume:
Un bijou ici,
Un p’tit sou en face.
Y a plus qu’à attendre
L’ouverture de la chasse.
Étudiants:
Le grand jour patriotique,
Le progrès reprend sa marche;
Combattant de l’avenir,
Ressurgi de son linceul
Par l’espérance magnifique
D’un nouveau monde à construire.
À la volonté du peuple.
Marius:
Ma place est là,
Auprès de vous.
Valjean:
Le grand jour.
Marius et Cosette: Demain je ne te verrai plus, Éponine: Demain seule dans mon histoire, Marius et Cosette: Mon sang se glace dans mes veines. |
Javert: Avec les héros du peuple, Avec ces nouveaux stratèges; Instruit de leurs petits secrets, Je refermerai le piège. |
Thénardier: Y vont au casse-pipe, On attend qu’ça fume; Après qu’y s’étripent On leur ôte les plumes. |
Valjean:
Le grand jour
Marius et Cosette: Demain je ne te verrai plus, Éponine: Demain tout seule dans le noir. Marius et Cosette: C’est comme la foudre que l’on m’assène. |
Javert: Leur émeute en culottes courtes, Je la suivrai dans leurs rangs; J’les touss’rai sans qu’ils s’en doutent… Demain c’est le jugement dernier. |
Thénardier: Y vont au casse-pipe, On attend qu’ça fume; Quand y z’ont du plomb Dans l’aile, nous on les plume. |
Valjean:
Demain, nous partons sans regret;
Demain c’est le jugement dernier.
Tous:
Demain, nous saurons si Dieu vient
Annoncer enfin son retour.
C’est enfin,
C’est demain le grand jour!